Dioxines
et Argiles
Edouard Bastarache
Composés :
Les polychlorodibenzo-p-dioxines (PCDDs) et les polychlorodibenzofuranes
(PCDFs) sont des composés aromatiques tricycliques ayant
des propriétés chimiques et physiques semblables.
Ils sont omniprésents dans l’environnement et habituellement
ne sont pas produits par la nature.Il y a 75 isomères positionels
des PCDDs et 135 isomères des PCDFs.
La 2,3,7,8 tetrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD) est l’isomère
le plus toxique, et le risque toxique estimé chez l’homme
est calculé en termes d’ «équivalents TCDD» .
Par exemple, l’effet toxique des différents isomères
est calculé en termes de quantité qui causerait le
même degré de toxicité que la TCDD. L’octachloro-dibenzo-p-dioxine,
produite pendant la synthèse du pentachlorophénol
(Norback et al. 1975), est tout à fait moins toxique
que TCDD produit pendant la synthèse de l’herbicide 2,4,5-T.
La TCDD est un membre d’une famille de composés connus effectivement
en tant que dioxines qui comprend les PCDDs, PCDFs, et les BPCs
(biphenyls polychlorés). Il y a 7 PCDDs, 10 PCDFs, et 12
BPCs qui peuvent avoir une activité dioxine sur un
total de 419 congénères (composés).
Sources :
- -Les produits contaminés tels que les phénols
chlorés et leurs dérivés.
- -Les biphényles polychlorés (BPCs).
- -L’incinération des déchets municipaux, dangereux,
et des hopitaux.
- -Les boues d’épuration.
- -L’utilisation d’automobiles.
- -La combustion de combustible fossile.
- -Les émissions de feux impliquant des BPCs.
- -La production des chlorophénols et de leurs dérivés.
- -Le traitement du bois par le chlorophénol.
- -Le blanchiment de la pulpe de papier par le chlore.
- -La production et la manipulation du fer, de d’acier, et d’autres
métaux, tels l’aluminium.
- -L’utilisation d’herbicides.
- -Des incidents industriels et de transport.
- -En milieu professionnel, l’exposition s’est aussi produite
lors de la fabrication de certains produits et lors de la manipulation
des rejets.
- -Les « ball clays » américains.
- -Un kaolin allemand (Westerwald).
- -D’autres matériaux incluant la montmorillonite, bentonite,
sols, silicates d’Al-Ca et la chaux.
- -Des dioxines en petites quantités sont aussi produites
par les volcans et les feux de forêt.
- -Etc.
Parmi les 23 sources de dioxines réparties sur l’ensemble
du territoire nord américain, les plus importantes sont les
suivantes :
-Incinérateurs municipaux (25%).
-Incinération individuelle de certains déchets domestiques
(22%).
-Fours à ciment brûlant des déchets dangereux
(18%).
-Incinération de déchets médicaux (11%).
-Raffinage secondaire du cuivre (8%).
-Métallurgie du fer et de l’acier (7%).
Exposition :
L’ingestion, l’inhalation, et l’absorption cutanée sont
considérées comme les voies d’exposition aux PCDDs
et PCDFs. Cependant, pour la plupart des individus, l’exposition
sera petite et viendra d’une variété de sources. Il
est généralement accepté que 95% de l’exposition
humaine vient de l’alimentation.
Le risque majeur d’exposition environnementale chez l’humain est
la consommation de poissons.
La production anthropogénique de dioxine a diminué
de beaucoup au cours des deux dernières décades.
Les procédés actuels de production d’herbicides sont
conçus pour éliminer les contaminants contenant de
la dioxine.
Toxicologie :
Les dioxines sont insolubles dans l’eau mais sont liphophiles (i.e.solubles
dans les graisses) et autres matériaux hydrophobes, et se
lient à des matériaux comme le sol et les cendres.
Au plan métabolique elles se dégradent lentement,
elles s’accumulent préférentiellement dans les tissus
adipeux, la peau, le foie, et lait maternel chez les mammifères.
La quantité de dioxines exprimées comme «équivalents
TCDD» dans le lait des femmes qui allaitent excède souvent
la norme d’ingestion quotidienne tolérée par les Suédois
qui est de 5 pg/kg de poids corporel, et ceci par un facteur de
20 à 30.
Dans le sol la TCDD a une demi-vie extrêmement longue, plus
de 10 années. La demi-vie chez l’humain peut varier de 5
à 8 années.
La TCDD est un des produits synthétiques les plus toxiques
connus. Lorsqu’amené à décomposition, elle
émet des fumées toxiques de chlore (CL-).
A-Intoxication aigue :
Chez l'homme, la toxicité aiguë de la TCDD a été
connue suite à des déversements
accidentels dûs à des emballements de réactions
ou à des explosions.
Les éléments essentiels du diagnostic sont :
-irritation oculaire et respiratoire,
-éruption cutanée, chloracné,
-fatigue, nervosité, irritabilité.
Un accident de procédé survenu en 1949 a été
suivi par :
-irritation aigue de la peau, des yeux, et des voies respiratoires,
-maux de tête, étourdissements, et nausées.
Ces symptômes se sont amendés dans un délai
de 1-2 semaines et ont été suivis par:
-éruption acnéiforme
-sévères douleurs musculaires des extrémités,
du thorax, et des épaules,
-fatigue, nervosité, et irritabilité,
-baisse de la libido,
-intolérence au froid.
Les travailleurs ont aussi présenté :
-chloracné sévère,
-augmentation du volume du foie,
-névrite périphérique,
-allongement du temps de prothrombine,
-augmentation des lipides plasmatiques.
Une étude complémentaire 30 ans plus tard a démontré
la persistance de chloracné chez
55% des ouvriers.
B-Intoxication chronique :
Les éléments essentiels du diagnostic sont :
-chloracné,
-sarcome des tissus mous,
-lymphome non-Hodgkinien,
-maladie d’Hodgkin.
La chloracné peut survenir plusieurs semaines après
l’exposition à la TCDD et peut persister pendant des décennies,
la sévérité de la chloracné est lié
au degré d'exposition.
Dans certains milieux de travail les personnes exposées
ont souffert de chloracné mais n’ont pas subi d’atteintes
systémiques :
Dans d’autres milieux, les travailleurs ont souffert de :
-fatigue,
-perte de poids,
-myalgies,
-insomnie,
-irritabilité,
-baisse de la libido.
Leur foie était augmenté de volume et douloureux,
et ils souffraient de pertubations de la sensibilité surtout
au niveau des extrémités inférieures.
Chez les travaileurs de la production exposés, les symptômes
sytémiques mis à part la chloracné, n’ont pas
persisté après la fin de l’exposition.
Cancérogénèse :
La TCDD agit en tant que carcinogène complet chez plusieurs
espèces. Les rats, souris, et hamsters exposés à
la TCDD ont présenté des lymphomes histiocytaires,
fibrosarcomes, et tumeurs du foie, du poumon, de la peau, de la
thyroide, de la langue, du palais dur, et des cornets nasaux. L’initiation
et la promotion de la cancérogénèse seraient
des fonctions de la TCDD.
On a conclue que la TCDD est parmi les carcinogènes chimiques
connus les plus puissants. C’est un cancérigène complet,
trans-espèce, trans-souche, trans-sexe, et multisite. À
ce jour, un risque accru pour tous les sites combinés de
cancer a été démontré dans des études
de cohorte sur des sujets exposés à la TCDD, avec
un risque particulièrement important pour le sarcome des
tissus mous (STM). La TCDD a aussi été associée
avec la maladie d’Hodgkin et le lymphome non-Hodgkinien. À
Seveso en Italie, là où il avait eu contamination
du sol par la TCDD, un excès de tumeurs a été
décrit, y compris des lymphomes et des STMs.
Immunotoxicité et Reproduction :
Les effets immunotoxiques et sur la reproduction semblent être
des indicateurs très sensibles de la toxicité de la
dioxine.
Chez l’animal la TCDD est tératogène et toxique pour
le fœtus. Une variété d’effets immunologiques a été
rencontrés chez l’animal. La dioxine produit des effets néfastes
sur la reproduction et le dévelopement chez les poissons,
les oiseaux et les mammifères.
Les études chez les animaux de laboratoire suggèrent
que les dioxines altèrent le dévelopement ( bas poids
à la naissance, avortements spontanés, malformations
congénitales) et des changements défavorables sur
la reproduction (fertilité, dévelopement des organes
sexuels, perturbations des comportements liés à la
reproduction).
Pour les humains, les effets immunotoxiques des dioxines sont probablement
au moins aussi sérieux que leurs propriétés
cancérogènes. On connaît peu de choses des effets
potentiels des dioxines et autres composés chlorés
sur la fertilité humaine et le dévelopement du système
nerveux des enfants.
La TCDD traverse la barrière placentaire et se retrouve
dans le lait maternel; des niveaux élevés de TCDD
peuvent être détectés chez les enfants adultes
de mères qui ont été exposées aux dioxines
en tant que travailleuses de production.
Des études chez l’humain ont démontré des
altérations d’hypersensibilité retardée suite
à l’exposition aux dioxines.
Limite d’exposition :
Le NIOSH recommande de considérer la TCDD comme un carcinogène
humain potentiel.
NIOSH REL (Dioxin):Réduire l’exposition au plus bas niveau
practicable.
Données de laboratoire :
1-Les anomalies rencontrées de façon la plus consistante
sont :
-Élévation des enzymes hépatiques
-Prolongation du temps de prothrombine
-Élévation des niveaux du cholestérol et
des triglycérides
2-Les porphyrines urinaires peuvent être élevées
3- Le 2,3,7,8-TCDD peut être mesuré dans :
-Le sérum (charge corporelle)
-Les lipides sanguins
-Le tissu adipeux
-Le lait maternel
Diagnostic différentiel :
Les causes connues d’éruption acnéiforme en milieu
de travail sont :
-huiles de coupe à base de pétrole,
-goudron,
-composés aromatiques chlorés.
En ce qui a trait aux symptômes systémiques comme
la perte de poids, les maux de tête, les myalgias et l’irritabilité,
toute autre maladie sous-jacente devra être éliminée
avant de les attribuer à l’exposition à la TCDD.
Conclusion:
Ne connaissant pas l’exposition exacte des céramistes aux
différents isomères(différence de toxicité)
identifiés dans les kaolins et les «ball clays», il est nous
très difficile d’adresser ce problème correctement.
Pour des raisons évidentes, nous devrions davantage être
plus inquiets pour les employés travaillant dans les mines
et les usines de préparation et de production de ces kaolins
et «ball clays» contenant des dioxines et furannes; de même
que pour ceux qui en utilisent de grandes quantités comme
dans les fabriques de céramiques.
Leur utilisation par les artiste/artisan –potiers, hobbyists et
professeurs d’art, de même que par leurs étudiants,
nous semble beaucoup moins problématique.
L’utilisation des argiles préparées sans ces matériaux
de base pourrait être recommandée pour les plus inquiets.
Cependant, le Dr David Cleverly, expert d’EPA(USA) a conclue ce
qui suit dans une lettre à une potière américaine,
publiée dans Ceramics Monthly de janvier 2001 : « La
bonne nouvelle est qu’une fois que le « ball clay » a
été commercialement traité dans un four avant
d’être vendu aux potiers, tout la dioxine a été
enlevée. Nous avons vérifié ceci dans les laboratoires
d’EPA. Ainsi, vous pouvez être tranquille et continuer de
produire de beaux objets d’art à partir du « ball clay ».
Nous aimerions voir ces résultats de plus près.
Toutefois, il est toujours une bonne pratique de garder les ateliers
propres, d’éviter les procédés inutilement
poussièreux et de porter un masque contre la poussière
pour éviter les niveaux excessifs d’exposition.
Restez également loin de certains poissons gras!!!
Edouard Bastarache M .D. (Médecin du Travail et de
l’Environnement)
Auteur de «Substitutions de matériaux céramiques
complexes»
Sorel-Tracy
Québec
Références :
1-Occupational Medicine, Carl Zenz, dernière édition.
2-Sax’s Dangerous Properties of Industrial Materials, dernière
édition.
3-Occupational & Environmental Medicine, Ladoue J., dernière
édition.
4- Clinical Environmental Health and Toxic Exposures, Sullivan
& Krieger,
dernière édition.
5-Toxicologie Industrielle et Intoxications Professionnelles, Lauwerys
R.R., dernière édition.
6-Summary of Evidence for the Possible Natural Formation of Dioxins
in Mined ClayProducts, Ferrario J., Byrne C., Cleverly D.
7-Ceramics Monthly, January 2001, page 8.
8-R&H Hall Technical Bulletin Issue No.1~2000, Dr. Mark McGee,
Technical Executive.
Merci beaucoup à Edouard Bastarache M .D.
(Médecin du Travail et de l’Environement), auteur de Substitutions
de matériaux céramiques complexes pour cette text.
Pour contacter Edouard: edouardb@sorel-tracy.qc.ca.
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