Introduction :
C'est un métal gris-blanc
très résistant à l'usure. Le chrome est produit à partir de la
chromite, FeO.Cr2O3, par rôtissage et extraction sous forme de
chromate qui est alors réduit en métal de chrome.
L'oxyde de chrome vert,
la chromite de fer, le bichromate de potassium et les colorants
commerciaux (stains) sont les composés employés par les potiers.
Formes Physiques et Chimiques :
Le chrome a un poids moléculaire
de 52. La plupart des composés du chrome sont des solides à la
température ambiante, quoiqu’une exception notable est le chlorure
de chromyl, un composé hexavalent de chrome qui est un liquide
fumant.
Les propriétés chimiques
et toxicologiques du chrome diffèrent nettement selon l’état de
la valence du métal. Le chrome se rencontre sous forme métallique
(valence 0), et avec des valences pouvant varier de 2+ à 6+, mais
seuls le trivalent (3+) et l’hexavalent (6+) se rencontrernt fréquemment.
Le chrome 2+ s'oxyde fréquemment et rapidement en 3+ et 4+, et
les états 5+ se rencontrent seulement comme intermédiaires dans
la conversion entre les états 3+ et 6+.
Certains Composés Communs du Chrome :
Bivalents (Cr2+) :
Chlorure chromeux CrCl2
Sulfate
chromeux CrSO4
Trivalents (Cr3+) :
Oxyde
chromique Cr2O3
Sulfate
chromique Cr2(SO4)3
Minerai
de chromite FeO.Cr2O3
Hexavalents (Cr6+) :
Trioxyde
de chrome CrO3
Acide
chromique H2CrO4
Anhydrides
de l’acide chromique :
Chromate de sodium Na2CrO4
Chromate de potassium K2CrO4
Bichromates :
Bichromate de sodium Na2Cr2O7
Bichromate de potassium K2Cr2O7
Bichromate d’ammonium (NH4)2Cr2O7
Utilisations et Sources d’Exposition :
Le chrome se rencontre
dans :
-la production du
chrome métal;
-la production d’alliages
résistants à la corrosion: acier avec du chrome (ferro-chrome);
-le chromage électrolytique:
la pièce métallique à couvrir de chrome est placée comme électrode
dans une solution d’acide chromique additionnée d’acide sulfurique.
Le chromage épais (hard type-épaisseur de 5-10µm) peut
causer une exposition significative au chrome tandis que le chromage
mince (bright type-épaisseur 0.5-1µm) ne cause aucun risque
significatif d'exposition excessive au chrome;
-la fabrication de chromates
et de bichromates à partir du chromate de fer. Ceux-ci ont beaucoup
d'applications en lithographie, industrie textile, imprimerie,
tannerie, teinture, photographie, et dans l'industrie de la peinture;
-la fabrication de
briques réfractaires pour les fours de l'industrie métallurgique;
-l'utilisation des
dérivés trivalents: anhydride chromique utilisé comme pesticide
dans la conservation du bois;
-la soudure d’alliages
contenant du chrome. La soudure sur acier inoxydable par le processus
manuel à l'arc électrique libère des particules qui, après leur
dépôsition dans la zone respiratoire, permet la solubilisation
progressive du chrome. D'autre part, les particules libérées par
la soudure sous gaz inerte (MIG) ne sont pas très solubles.
Le bioxychlorure de chrome
(Cl2CrO2) est un composé liquide volatil de chrome hexavalent
utilisé dans un grand nombre de processus de synthèse: polymérisation
oléfinique d'hydrocarbures, oxydation d'hydrocarbures, production
d’aldéhydes et cétones
Le chrome est présent
sous forme de traces dans beaucoup de produits (ciments, agents
de blanchiment, bandes magnétiques....) qui peuvent causer de
l'allergie de la peau.
Le chrome peut également
être présent dans la fumée de tabac.
Toxicologie Clinique :
Le chrome est un oligo-élément
essentiel et il est présent dans les tissus dans son état trivalent.
I-Classification du Chrome et ses Composés :
Les composés du chrome varient
considérablement quant à leurs effets toxiques et cancérogènes.
Pour cette raison, l’ACGIH divise ses composés inorganiques en
un certain nombre de groupements:
A-Métaux et Alliages de Chrome :
incluant
-le chrome métal;
-les aciers inoxydables;
-les autres alliages contenant du chrome.
B-Composés Divalents du Chrome (Cr2+) (Composés Chromeux) :
incluant
-le chlorure chromeux (CrCl2);
-le sulfate chromeux (CrSO4);
C-Composés Trivalents du Chrome (Cr3+) (Composés Chromiques) :
incluant
-le sulfate chromique (Cr2(SO4)3);
-l’oxyde chromique (Cr2O3);
-le chlorure chromique (CrCl3);
-le sulfate chromique de potassium (KCr(SO4)2);
-le minerai de chromite.
D-Composés Hexavalents du Chrome(Cr6+) :
incluant
-le trioxide de chrome (CrO3);
-l'anhydride des chromates de l'acide chromique (par
exemple Na2CrO4), les bichromates, (par exemple, Na2CrO7), et
les polychromates.
Les sels hexavalents sont considérés comme
les plus dangereux
Le chrome trivalent
est mal absorbé par inhalation et par la peau intacte, ayant pour
résultat une basse toxicité systémique. Cependant, si le chrome
trivalent accède à la circulation systémique, des effets toxiques
peuvent se développer.
II-Voies d’Absorption et Exposition :
A-Inhalation :
L'inhalation des sels hexavalents
de chrome fortement hydrosolubles, tel l'acide chromique, le bichromate
de sodium, et le bichromate de potassium, peut avoir comme conséquence
une absorption systémique substantielle. Les sels moins hydrosolubles
sont peu susceptibles de produire d’effets systémiques mais peuvent
produire des effets pulmonaires.
Le chrome métallique et les
sels chromeux ou chromiques (valences 0, +2, +3) sont absorbés
de façon minimale par inhalation. Le dépôt pulmonaire local de
ces sels a été observée après exposition mais sans évidence d‘effets
systémiques défavorables.
B-Ingestion :
Les sels hexavalents
sont convertis par le suc gastrique en trivalents avant leur absorption.
Les sels trivalents
de chrome sont absorbés après ingestion, mais seulement 1% à 25%
de la dose ingérée est absorbé.
L'ampleur de l'absorption
varie selon le sel impliqué et les circonstances de l'ingestion.
C-Absorption Dermique:
Les sels hexavalents
sont généralement bien absorbés de façon topique par la peau intacte.
Le chrome hexavalent
peut pénétrer la peau et être transformé en chrome trivalent qui
devient un haptène et partie de la réaction allergique causant
la dermatite exzémateuse.
Les sels trivalents
sont mal absorbés par la peau intacte mais, une fois que la barrière
cutanée est brisée, l'absorption peut se produire.
III-Toxicocinétique :
Dans l'industrie, les travailleurs
peuvent être exposés aux composés trivalents et hexavalents du
chrome, dont le métabolisme et la toxicité diffèrent de façon
saisissante. La toxicité systémique est principalement due aux
dérivés hexavalents qui, contrairement aux trivalents, peuvent
pénétrer l’organisme par n'importe quelle voie, incluant la peau
intacte. La protéine sanguine qui transporte principalement le
chrome est transferrine; l'albumine transporte le chrome à un
degré moindre.
Les composés du chrome traversent
beaucoup de tissus, y compris les globules rouges, les reins,
le foie, la rate, et les os. À l'intérieur des cellules, le chrome
hexavalent est réduit en chrome pentavalent très réactif et en
trivalent. Seules ces deux formes peuvent altérer l'ADN.
A-Stockage :
Le chrome absorbé est distribué
en deux compartiments:
1-Compartiment à élimination
rapide (demi-vie de 7 heures).
2-Compartiment à élimination
lente.
B-Excrétion :
Le chrome est essentiellement
excrété dans l'urine et chez le personnel professionnellement
exposé, sa concentration urinaire reflète la plupart du temps
la quantité de chrome hexavalent soluble récemment absorbé. Cependant,
la présence d'un compartiment à élimination lente explique pourquoi
ceux qui ont été loin de l'exposition, même pendant plusieurs
mois, ont des niveaux de chrome urinaire au-dessus des valeurs
normales.
IV-Symptômes et Signes Cliniques :
A-Toxicité Aigue :
Après exposition orale
ou cutanée, les composés hexavalents du chrome, y compris l'acide
chromique, les chromates et des bichromates, sont potentiellement
les plus toxiques des composés du chrome généralement utilisés.
L'ingestion de bichromates s’est avéré mortelle dans beaucoup
de cas; on estime que leur dose létale par ingestion se situe
entre 0,5 et 5 g.
1-Peau :
Les composés hexavalents
du chrome peuvent être absorbés par voie cutanée, même par la
peau intacte, et l’insuffisance rénale aigue peut se produire
après une brûlure cutanée de surface corporelle de 10% ou moins.
Dans un cas, une brûlure thermique à 70% de la surface corporelle,
causée par du sulfate chromique chaud (trivalent) mélangé à de
l'acide sulfurique (altération de la barrière cutanée) a produit
une intoxication due au chrome avec insuffisance rénale aigue.
Les vapeurs du bioxychlorure de chrome sont très irritantes pour
la peau.
2-Système Gastrointestinal:
Les sécrétions gastriques
convertissent le chrome hexavalent en chrome trivalent après ingestion.
Dans ce processus,
la muqueuse gastrique et intestinale sont en grave danger de dommages
sévères caractérisés par de l'inflammation massive et de la nécrose
de la bouche au jéjunum:
-douleurs abdominales;
-vomissements;
-diarrhées;
-hématémèse.
Ces manifestations
à début rapide peuvent causer la mort par collapsus circulatoire.
Si l’évolution n’est
pas mortelle, 12 à 20 heures plus tard, des manifestations de
nécrose hépatique et rénale apparaîtront. Le syndrome de détresse
respiratoire de l'adulte a été rapporté après ingestion substantielle.
Sans traitement, on
estime que la dose mortelle par ingestion pour l'acide chromique
est située entre 1 à 3 g. Même de petites ingestions de bichromates
ont eu comme conséquence de la gastroentérite hémorragique et
la mort.
3-Système Rénal :
L’insuffisance rénale aigue
peut se produire après ingestion de grandes quantités de composés
hexavalents, et après exposition cutanée.
4-Système Pulmonaire :
On a rapporté que
l'inhalation de brouillards concentrés d'acide chromique a comme
conséquence l'oedème pulmonaire, qui peut être retardé jusqu'à
72 heures après l’exposition.
Les fumées de bioxychlorure
de chrome sont très irritantes pour les membranes muqueuses.
Le syndrome de détresse
respiratoire de l'adulte a été rapporté après ingestion substantielle.
5-Système Hépatique :
De la nécrose hépatique
peut survenir lors de l’intoxication par ingestion.
B-Toxicité Chronique
:
Les manifestations toxiques
chroniques sont généralement dues aux composés hexavalents.
1-Symptômes Cutanés:
Au contact avec la peau,
les composés hexavalents du chrome agissent en tant qu'irritants
et sensibilisants.
a-Dermatite Exzématiforme (Dermatite de Contact Allergique)
:
Cette entité clinique
est caractérisée par des lésions erythémateuses, ou vésico-papuleuses,
humides, prurigineuses et localisées particulièrement sur les
avant-bras (bracelets de chrome).
Elle est très fréquente
parmi les individus en contact avec le ciment.
Dans la pratique,
seuls les composés hexavalents du chrome sont des sensibilisants.
Le chrome hexavalent
peut pénétrer la peau où il est réduit en chrome trivalent qui
joue le rôle d’un haptène; une fois fixé sur une protéine ce complexe
devient un antigène complet.
Il a été prouvé que la sensibilité
aux chromates est assez persistante une fois intallée.
Dans une étude, 92% des patients
présentant une sensibilité aux bichromates induite par exposition
au ciment Portland, ont continué de présenter de la dermatite
de contact 10 ans après que les symptômes soient initialement
apparus.
Une fois induite, la sensibilité
aux chromates peut produire des difficultés dans de multiples
environnements. Le contact avec des textiles colorés avec des
colorants à base de chromates peut être suffisant pour aggraver
la dermatite. Le port des chaussures en cuir tanné avec des chromates
peut produire de la dermatite aux pieds si ceux-ci sont humides
par la transpiration.
"La dermite des
ménagères » peut être en grande partie un phénomène de sensibilité
aux chromates, puisque les détergents et les agents de blanchiment
contiennent plus que des traces de sels de chromates dans certains
secteurs
Chez les individus sensibilisés,
l'absorption du chrome par voie pulmonaire et/ou orale peut causer
une réaction exzémateuse.
Le chrome trivalent
ne pénètre que difficilement la peau et ainsi le risque de sensibilisation
est faible. En théorie, le chrome métal n'est pas un allergène
L'allergie au chrome
est confirmée par tests épicutanés. Quelques auteurs considèrent
que la mesure du chrome urinaire permet de confirmer l'origine
professionnelle de la dermatite chez les tanneurs.
b-Ulcères de Chrome:
Après exposition cutanée
à l'acide chromique, des érosions de la peau peuvent se produire.
Ces « ulcères
de chrome » apparaissent au début comme des lésions papulaires,
séparées ou groupées, avec ulcération centrale. Elles se produisent
principalement sur les mains et les avant-bras où il y a eu une
rupture de l'épiderme; on pense qu'ils sont dus à un effet nécrotique
direct de l'ion chromate. Ces ulcères ont de de 5 à 10 millimètres
de diamètre, sont indolores, avec des bords nets, parfois prurigineux
et peuvent s’étendre dans les articulations; ils guérissent lentement
et produisent une cicatrice enfoncée. On observe ces ulcères principalement
parmi des ouvriers de l'industrie du chromage électrolytique.
c-Dents et Peau :
Une décoloration jaunâtre
de la langue et des dents est un signe d'intoxication chronique.
2-Irritation des Membranes Muqueuses :
Une atrophie de la
membrane muqueuse nasale suivie d'ulcération et de la perforation
peut se produire. Elle est généralement indolore et est trouvée
à l'examen médical. Elle peut se trouver chez presque 50 % des
travailleurs exposés aux chromates et peut être associée à de
l'anosmia.
On a observé des ulcérations
du septum nasal après seulement 2 semaines d'exposition à 1mg/m3
de chromate de zinc tandis que 18 mois d'exposition à 0,02-0,1
mg/m3 ne causait aucune perforation ou ulcération. Ces ulcérations
furent observées principalement parmi les ouvriers du chromage
électrolytique. Dans une étude chez des ouvriers de l'acide chromique,
l'incidence et la sévérité des dommages nasaux ont été liées à
la durée de l'exposition et le au laxisme dans l'hygiène industrielle
pratiquée par les travailleurs.
Rappelons-nous que la perforation
du septum nasal est également associée à l'exposition à beaucoup
d'autres toxiques industriels:
- arsenic;
- fulminate de mercure;
- chlore;
- poussière de ciment;
- sels de potassium
(mines de potasse).
Les symptômes de rhinite
et conjonctivite, l’essouflement et le prurit sont plus fréquents
parmi les ouvriers du chromage electolytique. Les ouvriers de
ce type d'industrie, excrétant plus de 15 µg chrome par g. de
créatinine, ont des perturbations des mesures spirométriques,
par exemple d'une réduction du VEMS1.0. Par conséquent, il est
logique de conclure que l'exposition chronique aux fumées d'acide
chromique peut causer la maladie pulmonaire obstructive chronique.
L’exposition chronique à
l'acide chromique (hexavalent) peut causer de la pharyngite et
de la laryngite. De l'oesophagite, gastrite et ulcères d'estomac
ont été décrits parmi des ouvriers exposés aux sels hexavalents
du chrome.
3-Voie Respiratoire :
L'asthme professionnel
s'est rencontré parmi les ouvriers exposés aux vapeurs d'acide
chromique, aux composés hexavalents du chrome présents dans la
bauxite utilisée dans la production de l'aluminium, et au chrome
hexavalent dans les fumées de soudure.
La réaction bronchospastique
peut être de type retardé et accompagnée d'une réaction anaphylactoïde
comprenant l'urticaire, le gonflement de la peau et une augmentation
de l’histamine de sérique. L'inhalation de sels trivalents du
chrome peut également causer de l'asthme professionnel (sulfate
de chrome).
On a observé également
de la pneumoconiose après exposition à la poussière de minerai
de chromite.
4-Cancérogénèse :
Ila été démontré que
certains composés hexavalents du chrome peuvent être cancérogènes
sur la base d’investigations épidémiologiques chez les travailleurs
et par des études expérimentales chez les animaux. En général,
ces composés tendent à être de basse hydrosolubilité et, sont
ainsi subdivisés en deux sous-groupes par l’ACGIH:
a-Composés Hexavalents du Chrome Solubles dans
l’Eau :
1-acide chromique;
2-anhydrides de l’acide chromique;
3-monochromates et bichromates de :
-sodium,
-potassium,
-ammonium,
-lithium,
-césium,
-rubidium.
b-Composés Hexavalents du Chrome Insolubles dans
l’Eau :
1-chromate de
zinc,
2-chromate de
calcium,
3-chromate de
plomb,
4-chromate de
baryum,
5-chromate de
strontium,
6-trioxyde de
chrome concrétionné (aggloméré).
L'inhalation chronique de
composés hexavalents du chrome présente un risque accru de cancer
du poumon, l’importance du risque variant selon les sels particuliers
et leur solubilité, tenant compte des circonstances de l'exposition,
et des facteurs de risque concomitants tels que le tabagisme.
Des études épidémiologiques
conduites aux Etats-Unis il y a 40 ans ont démontré une augmentation
de 10 à 30 fois du risque de cancer du poumon parmi les ouvriers
de l'industrie des chromates comparativent à la population générale.
Beaucoup d'études ont confirmé un risque cancérogène parmi des
ouvriers employés de la fabrication des chromates et de l'utilisation
des colorants à base de chrome.
Parmi les individus qui ont
été sévèrement exposés, l’augmentattion du risque de cancer du
poumon est encore détectable 20 ans après la cessation de l'exposition.
Dans la plupart des études, une corrélation positive entre la
durée de l'exposition et le décès par cancer du poumon a été trouvée.
Dans l'industrie du chromage électrolytique, principalement du
« hard type", le risque de cancer (principalement du
cancer du poumon) est tout à fait inférieur à celui de l'industrie
des chromates; ceci s’explique par le fait que le chrome hexavalent
soluble est employé dans la première tandis que des composés plutôt
insolubles sont employés dans la dernière.
Le risque de cancer
parmi les soudeurs sur acier inoxydable, exposées aux composés
hexavalents solubles du chrome, n'a pas été précisé.
Dans la production
du ferro-chrome, les ouvriers sont exposés principalement au chrome
métal, au chrome trivalent et légèrement aux composés hexavalents,
dans ces circonstances un risque accru de cancer du poumon ne
semble pas exister.
L'exposition aux chromates
favoriserait également des cancers à d'autres sites tels que les
cavités nasales, le larynx et l'estomac. Le chromate de zinc serait
le plus canrérogène parmi les chromates généralement retrouvés
en industrie; le chromate de calcium et le chromate de plomb posent
moins de risque. Selon Levy et al., l'acide chromique (un
composé très soluble) serait un canrérogène faible.
Le risque de cancer du poumon
semble inexistant parmi les tanneurs utilisant principalement
des composés trivalents du chrome. Les composés trivalents du
chrome et le chrome métal sont généralement considérés comme des
canrérogène très faibles ou non- canrérogènes.
5-Génotoxicité :
Les composés hexavalents
du chrome ont été considérés génotoxiques de façon consistante,
induisant une grande variété d'effets, y compris des dommages
à l'ADN, des mutations des gènes, des échanges de chromatide-soeurs,
des aberrations chromosomiques, des transformations cellulaires,
et des mutations mortelles dominantes.
Les composés hexavalents
du chrome ont causé des effets développementaux chez les rongeurs
en l'absence de toxicité maternelle, suite à l'administration
par voie orale.
Comme dans le cas
de la dermatite exzémateuse du chrome, il s'avère que la substance
génotoxique est le chrome pentavalent ou le chrome trivalent produit
à partir de la réduction intracellulaire du chrome hexavalent
après pénétration dans la cellule. Selon Molyneux et Davies, c'est
la réoxidation du chrome pentavalent par le peroxyde d'hydrogène,
ou éventuellement par d'autres peroxydes, qui causerait la production
de radicaux hydroxyles responsables des altérations de l'ADN induits
par le chrome.
Le chrome trivalent
en soi n'est pas génotoxique comme déjà démontré dans les
études épidémiologiques parmi lesquelles une conduite chez les
ouvriers exposés dans la tannerie.
Gestion de la Toxicité Aigue :
Le
traitement est symptomatique.
I-Gestion Clinique :
Quelque soit la voie
d'exposition, l'approche initiale pour un individu affecté inclut
une brève évaluation de son état statut clinique suivi de mesures
de maintien de la fonction cardiopulmonaire.
Une fois que les
voies aériennes ont été stabilisées et que le maintien de la fonction
cardiopulmonaire a été assuré, de nouvelles mesures peuvent être
considérées.
A-Ingestion :
1-Décontamination :
On ne doit pas induire de
vomissements chez un patient exposé au chrome par ingestion, dû
à l'effet corrosif potentiel du composé du chrome responsable
et du potentiel de détérioration rapide de l’état du patient.
Habituellement, l'acide
ascorbique devrait être administré oralement ou nasogastriquement
si le patient a toujours du chrome dans l’estomac. Il a été démontré
que l'acide ascorbique peut améliorer les effets de l'exposition
topique humaine aux chromates. L'acide ascorbique agit chimiquement
en ramenant le Cr6+ (hexavalent) à Cr3+ (trivalent), la forme
la moins toxique pour la muqueuse gastrique et intestinale.
La dose recommendée d’acide
ascorbique pour le traitement de l'ingestion de chrome hexavalent
varie selon le sel ingéré.
La dilution de l'agent ingéré
peut être appropriée si elle peut être accomplie dans les minutes
qui suivent l’ingestion, en particulier si le material ingéré
a un pH assez bas (par exemple l’acide chromique) ou assez élevé
(par exemple le bichromate d'ammonium).
La dilution peut être accomplie
avec de l'eau ou avec des fluides qui servent également d'adoucissants
tels que le lait. L'utilisation de composés adoucissants (par
exemple les antiacides, la fécule de maïs, ou le lait) en plus
de ceux utilisés pour la dilution a été recommendée et semble
raisonnable, mais n'a pas été étudiée de façon formelle.
Le lavage gastrique
pour réduire la dose ingérée peut être indiqué si le chrome est
susceptible d'être présent dans l'estomac. Mais, il y a un risque
de perforation de l'oesophage et l'estomac lésés; si la décision
de procéder au lavage gastrique est prise, il est préférable d’utiliser
un tube mou.
2-Accroissement de l’Élimination :
Il n’existe pas de preuves
qui permettent de conclure que l’échange par transfusion devrait
être utilisée de façon générale.
L’hémodialyse et l’hémoperfusion
sur charbon de bois n'augmentent pas sensiblement l’élimination
du chrome du corps si la fonction rénale est normale. Cependant,
si la défaillance rénale s'ensuit, l’hémodialyse peut être nécessaire
pour la gestion de l’insuffisance rénale elle-même.
3-Traitement :
L'équilibre liquidien
doit être maintenu. Les patients affectés devraient être surveillés
soigneusement pour la survenue de saignements gastro-intestinaux,
de méthémoglobinémie, d’hémolyse, de coagulopathies, de convulsions,
ou dysfonctionnement pulmonaire. Des mesures appropriées de support
devraient être utilisées comme indiqué.
a-Hémolyse :
La diurèse alkaline peut
être indiquée pour réduire la possibilité de dommages rénaux additionels.
b-Méthémoglobinémie :
Elle devrait être
traitée avec du bleu de méthylène si le niveau de méthémoglobine
excède 30% ou si les signes ou les symptômes de méthémoglobinémie
sont présents.
c-Chélation :
On a proposé l’utilisation
de l’agent chélateur dimercaptopropane sulfonate.
B-Inhalation :
Après l'inhalation
de composés hexavalents ou trivalents du chrome, les patients
devraient être retirés afin de ne pas être exposés davantage et
être évaluée soigneusement.
Si de la détresse
respiratoire ou de la cyanose sont observés, de l'oxygène devrait
être administré.
Le bronchospasme devrait
être traité avec des bronchodilatators.
Si l'agent inhalé est l’acide
chromique, l'observation et l'évaluation continues devraient être
considérées, pour noter tout dévelopement d'oedème pulmonaire,
jusqu'à 72 heures après l’exposition.
Il serait prudent
de prendre des précautions semblables après l'inhalation d'autres
composés hexavalents concentrés et fortement solubles.
C-Absorption Dermique:
Dans les cas d'absorption
cutanée, la peau devrait être irriguée copieusement avec de l'eau.
Le secteur affecté devrait être évalué pour la présence de brûlures
chimiques ou thermiques, et le traitment devrait être appliqué
comme indiqué.
L'application topique d'une
solution fraîchement faite d'acide ascorbique à 10% ou d’une crème
barrière contenant 2% de glycine et 1% d’acide tartrique s’est
avérée salutaire dans certains milieux industriels en réduisant
les conséquences de l'exposition topique aux composés hexavalents
du chrome.
D-Laboratoire :
Il n’a pas été démontré que
les mesures spécifiques des niveaux de chrome après exposition
aient une valeur diagnostic ou thérapeutique. Cependant, elles
peuvent permettre de documenter davantage l’exposition et d’évaluer
l'efficacité des mesures pour augmenter l'élimination.
Mesures Médicales:
A-Examen de pré-emploi:
Avant assignation
à un travail comportant une exposition au chrome hexavalent, les
mesures suivantes devraient être appliquées.
1-Histoire :
Une anamnèse médicale
personnelle et une histoire de travail détaillées devrait être
obtenues et revisées par un méddecin bien au fait des risques
potentiels à la santé dû à l'exposition à des composés spécifiques
du chrome.
2-Examen Physique :
Un examen physique général
complet devrait être fait, avec une attention particulière à la
peau, aux membranes muqueuses, et aux poumons. Ceux avec des lésions
cutanées et de la bronchite chronique devraient être rejetés.
3-Radiographie Pulmonaire :
Une radiographie initiale
des poumons devrait être obtenue et gardée indéfiniment pour comparaison
future. .
4-Spirométrie :
Une spirométrie devrait être
obtenue, devant inclure d'une façon minimale CVF, VEMS 1.0 et
le rapport VEMS 1.0/CVF, principalement comme information de base.
5-Tests Sanguins:
Des
tests sanguins pour s’assurer de la normalité de la fonction hépatique
et rénale devraient être faits.
6-Examen d’Urine :
Une analyse d'urine
devrait être obtenue pour les mêmes raisons qu’en 5.
B-Examen Périodique :
Une fois médicalement
approuvé pour être exposé au chrome hexavalent, les points 1,
2, 4, 5, 6 devraient être répétés annuellement.
En outre, commençant
avec la dixième (10e)année d'exposition aux composés
cancérogènes du chrome, une radiographie standard des poumons
et une cytologie des crachats peuvent également être utiles pour
vérifier que le cancer du poumon ne s'est pas développé.
Si on l’on sait avec
certitude absolue que l'ouvrier n'a jamais été exposé au-dessus
de la concentration maximale permise, s’il est un non-fumeur et
a de méticuleuses habitudes de travail, on peut éliminer cette
précaution.
Une attention particulière
devrait être prêtée à la peau et au septum nasal.
C-Surveillance Biologique :
Chez les personnes qui ne
sont pas exposées professionnellement au chrome, la concentration
du chrome dans le sérum ou le plasma et dans l'urine n'excède
habituellement pas 0.05µg/100ml et 5µg/g créatinine, respectivement.
Les valeurs rapportées par l’OMS (1988), et basées sur les données
de l’EPA (USA) (1978) varient de 0,02 à 7 µg/100 ml dans le sérum
et le plasma, et 0.5µg à 5.4µg/100 ml dans les globules rouges.
1-Indice Biologique de l’Exposition(IBE):
L’ACGIH a déterminé
deux (2) indices biologiques de l'exposition (IBE) pour les composés
hexavalents du chrome en tant que fumées hydro-solubles.
a-IBE (#1) :
Renseigne sur l'augmentation
du chrome urinaire total pendant un poste de travail, avec une
limite supérieure à 10µg par g de créatinine.
b-IBE (#2) :
Échantillonne le chrome urinaire
total à la fin d’un poste de travail à la fin de la semaine de
travail, avec une limite supérieure à µg 30 par g de créatinine.
Les études prouvent que la
forme prédominante du chrome trouvée dans le sang et les tissus,
même après exposition au chrome hexavalent, est le chrome trivalent
parce que la forme hexavalente est réduite à la forme trivalente
dans les tissus et liquides biologiques. La réduction de Cr6+
à Cr3+ diminue l'entrée du chrome dans les cellules et diminue
les dommages intracellulaires et à l'ADN.
Le chrome trivalent
est excrété en grande partie dans l'urine.
2-Chrome Érythrocytaire :
Quelques chercheurs
maintiennent que la mesure du chrome hexavalent dans les érythrocytes
est une évaluation plus utile de la charge corporelle en chrome
hexavalent après exposition.
Quand de bas niveaux
de chrome sont rencontrés dans les érythrocytes avec des concentrations
élevées en chrome urinaire, on assume que la réduction extracellulaire
du chrome hexavalent est suffisante pour détoxifier l’organisme.
Mesures Techniques :
I-Hygiène Générale :
Il faut :
- pratiquer toutes
les opérations dangereuses (broyage des chromites, etc..) en vase
clos;
- effectuer l'aspiration
des vapeurs et poussières au-dessus des bacs d'électrolyse ou
prévenir le dégagement du brouillard d'acide chromique en recouvrant
le bain d'électrolyse par un écran liquide ou solide. Des suppresseurs
de brouillard au-dessus des bacs de chromage sont actuellement
employés. Ils agissent en réduisant la tension superficielle du
liquide ou en formant une barrière de mousse épaisse.
- placer et retirer
mécaniquement les pièces à chromer;
- ajouter 0,1 à 0,2%
de sulfate ferreux au ciment Portland pour réduire le chrome hexavalent
qu'il contient. On a démontré que cette mesure avait un effet
bénéfique sur l’incidence de l’exzéma de contact au Danemark.
- ajouter 1% de zinc
dans le fil à souder entraîne une réduction significative du chrome
hexavalent dans les fumées de soudure.
II-Hygiène Personnelle:
Selon le type de composés
utilisés, le type et la gravité de l'exposition, il peut être
nécessaire de porter:
- un habillement spécial:
gants, tabliers;
-une crème ou une
solution basée sur l'acide ascorbique à 10%, ou sur le dithionite
de sodium (Na2SO4), ou sur une résine d'échange ionique, et/ou
sur l’acide tartrique.
60% des sujets sensibilisés
au chrome peuvent être protégés complètement ou partiellement
par la formulation suivante: silicone 10%, lactate de glycérol
2%, glycine 2%, acide tartrique 1%, complétée jusqu’à 100% avec
un excipient.
Ces traitements cutanés préventifs
seraient indiqués chez les sujets allergiques au chrome et qui
ne peuvent pas, pour différentes raisons, éviter tout contact
avec le chrome.
Une pommade contenant
de l’oxyde de zinc ou 10 % d'acide ascorbique est également recommandé
pour protéger la membrane muqueuse nasale.
-un appareil de protection
respiratoire à adducton d’air quand il y a exposition à des dérivés
cancérogènes.
Limites d’Exposition :
A-Limites d’Exposition du Québec :
VEMP :
Valeur d’Exposition Moyenne Pondérée :
Substance |
VEMP |
Notes |
Chrome,
métal |
0.5
mg/m3 |
|
Chrome
II, composés
(exprimée
en Cr.) |
0.5
mg/m3 |
|
Chrome
III, composés
(exprimée
en Cr.) |
0.5
mg/m3 |
|
ChromeVI,
certains composés hydro-insolubles,
(exprimée
en Cr.) |
0.05
mg/m3 |
C1,
RP, EM |
Chrome
VI, composés hydro-solubles,
(exprimée
en Cr.) |
0.05
mg/m3 |
|
C1
= Cancérogène confirmé chez l’humain.
RP = Substance dont
la recirculation est prohibée.
EM
= Substance dont l’exposition doit être réduite au minimum.
B- Danger immédiat pour la vie et la santé (DIVS):
Composé du Chrome |
Concentration dans l’Air |
Chrome
Métallique |
250
mg Cr/m3 |
Sels
Insolubles de Chrome |
500
mg Cr/m3 |
Sels
Divalents Solubles |
|
250
mg Cr/m3 |
Sels
Trivalents Solubles |
25
mg Cr/m3 |
Composés
Hexavalents du Chrome et Acide Chromique |
15
mg CrO3/m3 |
|
|
|
Résumé :
La toxicité du chrome varie
selon les composés utilisés. Le chrome métal, les composés bivalents,
et les trivalents du chrome sont généralement moins toxiques que
les composés hexavalents.
Les composés trivalents,
comme l'oxyde vert de chrome, employé par les potiers, ne
semblent pas causer les mêmes effets que ceux liés aux composés
hexavalents, tels que les ulcères de chrome (des mains et des
avant-bras), la perforation du septum nasal, le cancer du poumon,
etc...
Les composés hexavalents
du chrome sont dangereux après exposition aiguë substantielle.
Le traitement optimal
de la toxicité du chrome réside dans la prévention, avec l'utilisation
de bonnes pratiques en matière d'hygiène industrielle, un bon
contrôle industriel des lieux de travail et de bonnes méthodes
personnelles d'hygiène et de protection.
Edouard Bastarache
M.D. (Médecin du Travail et de l’Environnement)
Auteur de Substitutions
de matériaux céramiques complexes.
Sorel-Tracy
Quebec
Canada
edouardb@sorel-tracy.qc.ca
http://www.sorel-tracy.qc.ca/~edouardb/
Références :
1-Occupational Medicine,Carl Zenz, dernière édition.
2-Clinical Environmental Health and Toxic Exposures, Sullivan
& Krieger; dernière édition.
3-Sax’s Dangerous Properties of Industrial Materials, Lewis C.,
dernière édition.
4-Toxicologie Industrielle
et Intoxications Professionnelles, Lauwerys R. dernière édition.
5-Chemical Hazards
of the Workplace, Proctor & Hughes, 4è édition.
6-Industrial Chemical
Exposure, Lauwerys R., Hoet Perrine. Denière édition.
7-Biological Monitoring
Methods for Industrial Chemicals, Baselt Randall, 2è édition.
8-Règlement sur la Santé et Sécurité du Travail, Québec, 2001.